Bételgeuse aurait pu rester une étoile comme les autres. Mais le 8 décembre 2019, une diminution anormale de sa luminosité a surpris les astronomes du monde entier. Une telle baisse n’avait pas été mesurée depuis 25 ans. Ordinairement classée comme la dixième étoile la plus brillante du ciel, l’étoile alpha située sur l’épaule gauche de la constellation d’Orion est à ce jour redescendue à la 19ème position ! Ce comportement mystérieux de Bételgeuse serait-il annonciateur d’une explosion en supernova ?  Revenons en détails sur l’histoire d’une étoile qui n’est pas inconnue des astronomes.

Constellation Orion Betelgeuse
Carte du ciel de la Constellation d’Orion. Source: Stellarium

La Star des étoiles ?

Bételgeuse est considérée comme l’une des étoiles les plus étudiées du ciel, et ce, bien avant que sa popularité déferlante ne s’active en décembre 2019. Depuis plus d’un siècle, elle fascine les astrophysiciens !

L’astronome John Herschel a par exemple été le premier à observer le caractère variable de l’étoile en 1836. Ces alternances de luminosité furent par la suite vérifiées au cours du XXième siècle et Bételgeuse fut classée dans la catégorie des étoiles variables semi-régulières : un type d’étoile présentant des variations de luminosités périodiques mais dont le cycle et l’amplitude peuvent varier. Une propriété que nous évoquerons plus tard dans cet article.

La particularité de cette supergéante rouge ne résidait pas initialement dans son caractère variable, très commun en astronomie, mais dans son diamètre apparent. En effet, bien qu’elle soit distante de plus de 400 années-lumières de la Terre, son rayon environ 1000 fois plus grand que celui du Soleil fait d’elle la plus grande étoile connue de notre ciel ! Un titre qu’elle ne conserva que jusqu’en 1997, lorsqu’un plus grand diamètre apparent fut mesuré sur l’étoile R Doradus. 

Taille Betelgeuse
Image de Bételgeuse obtenue par ALMA. Les annotations montrent la taille réelle de l’étoile comparée au Système Solaire. Crédit:
ALMA (ESO/NAOJ/NRAO)/E. O’Gorman/P. Kervella

Une grande valeur de diamètre apparent est un argument de taille lorsque l’on veut observer en détails la surface d’une étoile : alors que la majorité des étoiles de la voûte céleste peuvent être considérées comme des points lumineux dont le disque est impossible à résoudre par nos télescopes, Betelgeuse dispose d’un diamètre apparent suffisamment grand pour être détectable !

Bételgeuse fut d’ailleurs la première étoile (autre que le Soleil) à obtenir une mesure expérimentale de son diamètre à l’aide d’une méthode d’interférométrie réalisée à l’observatoire du Mont Wilson en 1921 par les physiciens Albert Abraham Michelson et Francis Gladheim Pease. L’objectif de l’interférométrie est d’accroître la résolution angulaire sur le ciel en combinant la lumière venant de plusieurs télescopes éloignés de plusieurs mètres. Depuis, ce mode de mesure est utilisé par les observatoires astronomiques les plus performants du monde :  VLTI (Chili), CHARA (Etats-Unis)…

Interféromètre de Michelson installé sur le télescope Hooker de l’observatoire du Mont Wilson en 1920.

La gloire de Alpha Orionis se s’arrête pas là ! Bételgeuse revint sous la lumière des projecteurs en 1995, lorsque le télescope spatial Hubble réalisa la toute première image directe de la surface d’une étoile autre que le Soleil.

Ces dernières années, plusieurs images faisant appel à des télescopes et à des techniques d’observations encore plus modernes ont été reproduites. En 2017, le grand réseau d’antennes millimétriques et submillimétriques de l’Atacama (ALMA) publia l’image qui est considérée à ce jour comme la plus détaillée de la surface de Bételgeuse.

Image de la surface de Bételgeuse par le Télescope Spatial Hubble (1995). Crédit : A. Dupree (CfA), R. Gilliland (STScI), FOC, HST, NASA

Une étrange baisse de luminosité

La diminution de l’éclat de Bételgeuse ne satisfait plus les observations réalisées depuis plus de 25 ans et met en défaut les modèles théoriques récemment établis. Jusqu’à ce jour, les astronomes avaient constaté que les variations de luminosité entre les magnitudes 0.0 et +1.3 pouvaient s’expliquer par deux phénomènes couplés mais d’origines totalement distinctes : 

  • le premier aurait un cycle de ~400 jours et serait causé par les pulsations émises par cette supergéante rouge. 
  • Le second, d’une période beaucoup plus longue, de plus de 5 ans, serait la conséquence de mouvements convectifs sur de larges cellules à la surface de l’étoile. Cette dernière théorie sera très certainement mise à l’épreuve durant les prochains mois, suite au grand intérêt porté par les observatoires du monde envers le récent changement d’état de Bételgeuse.
Évolution de la luminosité de Bételgeuse au 10 février 2020. Source : @Betelbot

Bételgeuse va t-elle devenir une supernova ?

Le phénomène cataclysmique des supernovæ reste incontestablement une fascination pour l’humanité toute entière, en raison de sa rareté d’occurrence et du spectacle qu’il octroie. En effet, les étoiles en fin de vie les plus massives de notre galaxie comme Bételgeuse sont vouées à libérer une partie de la matière présente dans leur atmosphère sous forme d’énergie lumineuse. Une lumière intensément brillante, à tel point qu’elle rendrait l’étoile visible en plein jour pendant plusieurs semaines. Un exemple historique d’une supernova dont les Hommes ont été témoins est celle de 1054 qui donna naissance à la nébuleuse du Crabe, premier objet du catalogue de l’astronome Français Charles Messier (M1).

Image infrarouge de Bételgeuse réalisée avec le VLT (2009). L’image met en évidence la présence d’une enveloppe de gaz autour de la photosphère. Crédit:
ESO and P. Kervella

Néanmoins, les astronomes ne sont à ce jour pas convaincu qu’une simple baisse progressive de luminosité annoncerait l’explosion immédiate de Bételgeuse. Observer des variations de lumière provenant de la surface ne donne pas toutes les informations sur les changements se produisant à l’intérieur du noyau de l’étoile. Bételgeuse finira sa vie sans aucune doute en supernova mais aujourd’hui il est toujours aussi difficile de prédire avec précision l’instant critique où l’explosion se produira.

Une chose est sûre, aucune hypothèse n’est définitivement exclue, et les astronomes professionnels tout comme les amateurs doivent rester sur leur garde. Bételgeuse n’a pas encore livré tous ses secrets et pourrait bien nous surprendre. Observez-la pendant qu’il en est encore temps !

Photographier Bételgeuse avec le smart télescope STELLINA

À l’oeil nu, muni d’une paire de jumelles ou à l’aide d’un télescope, nombreux sont les moyens d’observer l’étoile Bételegeuse tant celle-ci est visible dans le ciel. Afin de donner la possibilité aux utilisateurs de STELLINA de suivre la variation de luminosité de la supergéante rouge, l’équipe de Vaonis a ajouté l’étoile dans sa mise à jour logicielle de février 2020 (MAJ Stellinapp 1.17) à son catalogue d’objets. Les utilisateurs sont ainsi invités à suivre l’évolution de l’étoile au fil des semaines ou des mois, dans l’espoir d’être témoin d’une supernova exceptionnelle.

L’étoile Bételgeuse capturée en février 2020 par le télescope intelligent STELLINA.