Les nuages noctiluques (ou noctulescents) sont sans doute les nuages les plus rares et mystérieux que l’on puisse observer sur Terre. A tel point que leur rareté dépasse celle des aurores boréales ! Mais contrairement à ces lueurs polaires, les nuages noctulescents peuvent être observés au Nord de la France comme au Sud !

Quelle est leur origine ? Comment peut-on les observer ? Comment les photographier ? Nous répondrons à toutes ces questions dans ce guide des nuages noctiluques, car la saison 2019 s’annonce surprenante !

Des nuages bleutés aux structures exotiques

Quel magnifique spectacle que d’observer ces nuages, encore méconnus du grand public aujourd’hui. D’une couleur bleue phosphorescente et évoluant dans le ciel crépusculaire comme des vagues , les nuages noctiluques apparaissent chaque année uniquement autour du solstice d’été. Filaments, ondulations, spirales, voiles… sont les formes aléatoires et uniques que peuvent prendre de tels nuages.

Les nuages noctiluques sont reconnaissables par leur ondulations blanches et bleutées caractéristiques. Photo prise par Adrien Mauduit.

Il n’est pas surprenant de constater que le nom original extrait de l’anglais « Noctilucent Clouds (NLC) » signifie « Night Shining Clouds« , c’est-à-dire Nuages nocturnes lumineux. Comme nous le verrons plus tard, les noctiluques n’émettent pas de lumière mais la réfléchissent.

Remarque : Il existe un grand nombre de synonymes pour désigner ces nuages : nuages noctiluques, nuages noctulescents, nuages polaires ou encore nuages mésosphèriques !

Bien qu’ils aient la dénomination de nuages, les noctiluques ne sont pas à confondre avec les nuages au sens commun du terme. Les fameux cumulus, stratus, cumulonimbus, cirrus…etc font partie de la couche de l’atmosphère appelée Troposphère, qui s’élève jusqu’à 20 kilomètres d’altitude environ. Les NLC eux, ne se produisent qu’à une seule altitude bien précise et bien plus élevée : vers 83 kilomètres au-dessus de la Terre, dans la mésosphère, où la température atteint les -100°C. De quoi donner le vertige !

D’ailleurs, c’est dans cette même couche de l’atmosphère que brûlent les météorides lorsqu’ils traversent notre atmosphère, produisant le phénomène que nous connaissons tous sous le nom d’étoiles filantes.

 

Des nuages formés par les étoiles filantes ?

En effet, l’origine des nuages noctulescents est à la fois atmosphérique et astronomique.

Tout d’abord, pour permettre la formation de n’importe quel nuage, il est nécessaire que des molécules d’eau soient initialement présentes dans l’atmosphère. Cependant, à plus de 80 kilomètres d’altitude, la température est telle que la présence d’eau liquide ou de vapeur d’eau est impossible. C’est pourquoi la seule manifestation d’eau de la mésosphère proviendrait de réactions chimiques avec du CO2. L’origine précise reste encore non élucidée, et la production de cristaux de glaces formés par évaporation des pôles et plus particulièrement du pôle nord reste encore à l’état d’hypothèse.

Toujours est-il que pour que ces cristaux de glace puissent se former, il est nécessaire que d’autres molécules soient présentes pour servir de fixateurs (air, poussières…). C’est ici que les étoiles filantes entrent en scène !

Les scientifiques ont récemment découvert que les cristaux de glaces se trouvant dans la mésosphère étaient composés de fines particules libérées lors de l’ionisation des étoiles filantes, formant les nuages noctiluques. La taille de ces particules d’origine interstellaire ne dépasse pas 10 nanomètres de diamètre, soit 0.000010 millimètres !

Ces étranges nuages sont donc extrêmement minces, comparables à de la fumée de cigarette ! Une question subsiste alors : comment trahissent-ils leur présence ?

 

Pourquoi sont-ils visibles ?

Les nuages noctiluques sont situés à 80 km d’altitude contre une vingtaine pour les nuages standards. Cette photo aérienne extraordinaire a été prise par Adrien Mauduit lors d’un vol passant près du cercle polaire.

Uniquement présents au-dessus du pôle Nord (ou Sud), les nuages mésophèriques ne sont visibles que par réflexion de la lumière du soleil. Pour un observateur Terrestre, le soleil doit être donc situé en direction du nord et sous l’horizon pour que sa lumière puisse se réfléchir sur ces ténus nuages. A ce moment, les nuages standards que nous connaissons sont situés dans l’ombre de la Terre. C’est pourquoi, il est facile de distinguer un nuage d’un nuage noctulescent qui semble produire de la lumière.

Typiquement, le soleil doit se trouver en moyenne à 11° sous l’horizon Nord. La période de l’année où le soleil présente cette configuration est autour du solstice d’été. Durant les autres saisons le soleil descend beaucoup plus bas, et n’est pas situé assez proche de l’horizon Nord.

La position du soleil n’est pas la seule condition qui rend les noctiluques visibles. La mésosphère n’est pas constamment refroidie à -100°C toute l’année. Paradoxalement, c’est en été qu’elle atteint cette extrême température, permettant aux cristaux de glace de se former et donc aux nuages noctulescents.

 

Comment observer et photographier les nuages Noctiluques en France ?

Ce qui rend les nuages noctulescents si mystérieux, est leur apparition imprévisible et fluctuante. De plus, ils ne peuvent pas être observés depuis n’importe quel endroit sur Terre. Puisqu’ils se forment au-dessus du pôle Nord (ou Sud), il faut être localisé a proximité du cercle polaire, sinon, ils ne seront visibles que trop bas sur l’horizon.

En règle générale, la latitude d’observation des nuages noctiluques oscille entre 45° (~centre de la France) et 65° Nord (~Islande) . La période la plus propice s’étend entre fin mai et début août, de chaque année.

Lieu d’observation

Plus vous serez situe au nord, plus la probabilité d’observer des NLC sera grande. Typiquement, il est intéressant de se trouver dans le nord de la France ou en Normandie. Les britanniques, danois ou bien les scandinaves sont quant a eux aux premières loges.

Le 21 juin 2017, le pic du midi s’est reveillé avec une manifestation exceptionnelle des nuages noctiluques. Une première ! Photo capturée par Pierre-Paul Feyte

Cependant, les années précédentes ont atteints des records puisque ces nuages ont été aperçus avec une grande intensité depuis des latitudes plus basses comme depuis les Alpes, les Pyrénées et même la Corse ! Finalement, depuis n’importe quel endroit en France, vous serez quasiment certain d’assister a ce spectacle au mois une fois par an !

Ou et Quand regarder ?

Les nuages noctulescents peuvent soit apparaître après le coucher du soleil ou soit avant son lever. Puisqu’ils sont rendu visibles par la réflexion de la lumière solaire, il est nécessaire que le soleil, ces nuages et l’observateur soient alignés dans cet ordre. C’est pourquoi ils se manifestent toujours au-dessus de l’horizon ou le soleil s’est couché ou va se lever.

D’une manière générale, c’est au-dessus de l’horizon Ouest-Nord-Ouest (après le coucher du soleil) ou Est-Nord-Est (avant le lever du soleil) qu’il faut chercher les nuages noctiluques. Puis, attendre au moins une heure et demie après le coucher du soleil avant d’espérer pouvoir observer les NLC. A l’inverse, si vous souhaiter les observer au petit matin, il faudra les chercher au moins une heure et demie avant le lever du soleil. (deux ou trois heures avant étant une bonne marge de sécurité)

Photographier les nuages noctiluques

Compte tenu de leur faible luminosité, il est souvent plus facile et plus impressionnant de voir les nuages noctulescents en photo plutôt qu’a l’oeil nu. Il est recommandé d’utiliser un appareil photo numérique du type reflex, afin d’obtenir la plus grande sensibilité possible. Voici une liste du matériel minimum requis :

  • Un appareil photo numérique ayant un mode M (réglage manuel)
  • Un trépied pour stabiliser l’appareil photo
  • Un objectif quelconque (grand angle ou zoom)

Avant de prendre la photo, n’oubliez pas de régler manuellement la mise au point a l’infini.
Il n’y pas de réglages universels pour photographier les NLC, car l’éclairage global du ciel et l’intensité des nuages varient suivant les situations.

Pour vous guider dans le choix des réglages, on peut cependant retenir quelques règles générales. Il est conseillé d’augmenter la sensibilité ISO plutôt que le temps de pose. En effet, les nuages noctiluques peuvent bouger très rapidement et un trop long temps d’exposition ne permettra pas de voir les détails de leur structure.

Nuages noctulescents aperçus le 17 juillet 2017 dans le massif des Vosges. Photo prise par Guillaume Doyen.

La photo ci-dessus est un exemple de photo de noctiluques que l’on peut obtenir avec les réglages suivants : Objectif 50 mm f/1.8, temps d’exposition de 6 secondes, ouverture f/2.2, sensibilité de 400 ISO.

Finalement, l’astuce la plus efficace pour réussir votre photo est d’effectuer une série de tests avec des réglages différents.

Pour clôturer ce dossier, rien de plus impressionnant que cette vidéo capturée par Adrien Mauduit. Astrophotographe Français, Adrien est sans doute le plus grand chasseur de ces nuages mystérieux au monde et a collaboré avec des futurs astronautes Canadiens sur le sujet. Les images qui suivent sont les plus détaillées à ce jour des nuages mésophèriques, prises depuis le sol.

Guillaume Doyen, rédacteur Vaonis