Découverte d’une deuxième nouvelle exolune potentielle : les chercheurs examinent les données de Kepler et trouvent un bon candidat au titre d’exolune.
Dans le domaine des découvertes d’exoplanètes, les « exolunes », c’est-à-dire les lunes en orbite autour de planètes situées au-delà de notre système solaire, ont la côte. Après tout, chaque planète de notre système solaire (à l’exception de Mercure et de Vénus) a des lunes, et la plupart en ont plusieurs. Il va de soi que généralement, les exoplanètes de la taille de Jupiter devraient également posséder leurs propres lunes.
Néanmoins, il n’est pas facile de repérer leur signal dans le bruit ambiant. À ce jour, 4 928 exoplanètes sont connues, et ce n’est pas fini. Une bonne partie a été découverte grâce à la méthode du transit, qui consiste à observer un minuscule trou dans la lumière de l’étoile lorsque la planète transite ou passe devant son étoile hôte depuis notre ligne de mire. Cette méthode présente toutefois des inconvénients, puisqu’elle détecte de préférence les « Jupiter chauds », c’est-à-dire les planètes géantes gazeuses aux orbites étroites.
Il est encore plus difficile de trouver une lune en orbite autour d’une exoplanète en mouvement, car les chercheurs doivent détecter un « signal dans un signal » encore plus petit, à l’intérieur d’une fluctuation déjà subtile. Ce signal doit également être dissocié des taches stellaires et de la variabilité intrinsèque de l’étoile hôte elle-même.
« Par nature, les exolunes sont plus petites que les planètes et donc plus difficiles à trouver, explique David Kipping, astronome à l’université Columbia et chercheur dans le cadre de cette étude. De plus, leurs signaux sont émis presque en même temps que le signal planétaire, ce qui signifie qu’ils se superposent et sont difficiles à distinguer. »
L’étude financée par la NASA et publiée dans le Journal Nature Astronomy a mobilisé des chercheurs du monde entier spécialisés dans les exoplanètes. Cette équipe a examiné 70 candidats parmi les données du télescope spatial Kepler. Lancé en 2009, Kepler a observé pendant quatre ans une portion du ciel couvrant les constellations du Cygne, d’Hercule et de la Lyre, le long du plan galactique. Suite à la panne de deux de ses quatre roues de réaction, Kepler a terminé sa chasse aux exoplanètes dans le plan de l’écliptique, en utilisant la pression du vent solaire comme « troisième roue de réaction » pour se stabiliser.
Les différentes planètes ont été sélectionnées parce qu’elles répondaient aux critères suivants : soit elles présentaient des variations temporelles infimes au niveau des données, soit elles laissaient entrevoir des signaux de transit direct émanant des lunes elles-mêmes.
« Nous n’en sommes pas certains, mais nous pouvons émettre l’hypothèse selon laquelle les planètes de type Jupiter seraient un excellent endroit pour chercher des exolunes, étant donné l’abondance des lunes autour de Jupiter et de Saturne et étant donné les disques de matière relativement massifs qui, selon nous, sont présents autour de ces planètes lorsqu’elles se forment, déclare David Kipping. Les planètes rocheuses ressemblant à la Terre sont un autre endroit intéressant à observer. Dans tous les cas, il vaut mieux éviter les planètes situées à proximité de l’étoile, car celle-ci peut arracher des lunes à ces planètes proches. » Parmi les candidats, seuls trois présentaient des signaux plus petits, révélant potentiellement des exolunes en orbite. Finalement, un seul a résisté à un examen plus approfondi : Kepler-1708 b.
Avant cette deuxième découverte, la première exolune potentielle observée était Kepler-1625 b-i, en 2017, bien que son statut d’exolune soit remis en cause depuis quelques années.
« Réellement, il existe un seul candidat précédent auquel cette découverte peut être comparée, affirme David Kipping. Je dirais qu’il s’agit d’un signal pour lequel le scénario planète + lune est le meilleur modèle astrophysique permettant d’expliquer les données. D’un point de vue statistique, ce modèle est fortement supérieur à l’autre modèle astrophysique possible, à savoir une planète seule. De plus, nous ne trouvons aucune raison de s’inquiéter d’un éventuel rejet de ce modèle, d’après les analyses approfondies des autres informations dont nous disposons pour cette cible. »
Le monde étrange de Kepler-1708 b-i
Le système au sein duquel la découverte a été faite est intéressant en soi. En effet, Kepler-1708 est une étoile de séquence principale de type F légèrement plus massive que notre soleil, distante de 1 667 parsecs (environ 5 500 années-lumière). Kepler-b est une planète d’une masse de 4,6 Jupiter sur une orbite de 737 jours, à 1,6 UA de son étoile. L’exolune potentielle Kepler-1708 b-i est un objet un peu plus petit que Neptune, sur une orbite de 4,6 jours, à 800 millions de kilomètres (deux fois la distance Terre-lune) de sa planète.
Les exolunes sont-elles habitables ? L’orbite de Kepler-1708 b est comparable à celle de Mars dans notre propre système solaire, ce qui laisse penser que Kepler-1708 b-i ne serait pas un endroit trop désagréable, du point de vue climatique. Des découvertes fascinantes comme Kepler b-i seront des cibles de choix pour le télescope spatial James Webb, récemment lancé et déplié, une fois qu’il aura rejoint sa base à L2 la semaine prochaine et qu’il aura entamé sa longue phase de mise en service. Le télescope spatial devrait commencer ses opérations scientifiques à la mi-2022.
Trouver Kepler-1708 avec un télescope de jardin est une perspective difficile mais pas impossible, car cette étoile primaire brille à une faible magnitude de +16 dans la constellation du Cygne. L’étoile Kepler-1708 est relativement proche de la magnitude +2,9 de Delta Cygni. Une autre séquence de transit pour Kepler-1708 b-i aura lieu au début de l’année 2023 et permettra de confirmer ou infirmer la thèse de l’exolune.
On peut s’attendre à ce que la ménagerie des mondes lointains s’agrandisse dans les années à venir, à mesure que de nouvelles études sur les exoplanètes seront mises en ligne et que des exolunes plus insaisissables seront découvertes.